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Le statut de la femme dans le Code civil de 1804 à nos jours

Marie-Florence Zampiero Bouquemont, notaire à Reims

Aborder l’évolution du statut de la femme dans le Code civil, de 1804 à nos jours revient à étudier la gestation de cette femme, telle qu’on la connaît aujourd’hui : autonome, entrepreneur, mère de famille, épouse…en somme « la femme libre du XXIème siècle » !

Ô combien est-il stupéfiant de constater comme cette femme est toute jeune !!

Nombre de nos contemporains ont peut-être encore en mémoire le droit pour la femme, avant 1965, d’exercer une profession ou encore d’ouvrir un compte en banque sous la condition …d’en avoir été autorisée par son mari !

Si le Code civil de 1804 a été sur bien des points source de progrès et déterminant dans la constitution de la nation, ce même Code civil a été en revanche, totalement misogyne !

Alors que bien des femmes avaient été séduites par l’abolition de la féodalité, et la proclamation des principes républicains (liberté égalité justice), y voyant un progrès pour leur propre statut, alors qu’elles avaient envahi l’espace public dès les premiers mois de la Révolution, les voilà pour longtemps mises sous tutelle par les lois napoléoniennes en vigueur dès leur publication.

Sous Napoléon, il vaut presque mieux être veuve ou célibataire, sous le joug d’un conseil de famille, qu’être une femme mariée sous le contrôle de son mari !
Mais ce statut de la femme de 1804 n’est que la poursuite d’une acception du genre féminin depuis la nuit des temps.
Tout au long des 19ème et 20ème siècles, le mouvement des femmes n’aura de cesse de faire abolir progressivement toutes les dispositions du code qui entravent leur liberté et signent leur incapacité.

L’évolution de la société bouleversera les codes, les périodes d’évolution les plus frappantes sont la Révolution Française de 1789 d’abord et la révolution sexuelle des années 60, ensuite.

Car, l’évolution du statut de la femme est davantage liée à la révolution sociale et les combats qui y ont été menés pour la liberté des citoyens, leur propriété, la famille et plus récemment, la libéralisation sexuelle, que grâce aux textes eux-mêmes.

Les textes n’ont été, nous le verrons, qu’une adaptation juridique d’une réalité sociale désormais pleinement assumée. La réalité a primé la fiction juridique établie depuis l’Antiquité.

Aussi, et avant d’étudier l’évolution du statut de la femme du Code civil à nos jours, il apparaissait important de se pencher sur le statut juridique de la femme dans l’Histoire Ancienne.

Nous avons pu constater qu’elle n’avait ni statut ni droit. Son devoir était celui de donner un enfant à son mari.

Le statut de la femme est resté enraciné pendant des milliers d’années dans la soumission et d’avilissement.

Déjà, à ROME, le pragmatisme l’emporte : « Pour garantir le droit des pères, il faut supprimer le droit des mères. »

« Mater semper certa est, pater est semper incertus, pater is est quem nuptiæ demonstrant » - La mère est toujours certaine ; le père est toujours incertain, le père est celui que le mariage désigne.

Aussi, le mariage est le seul garant de la reconnaissance de paternité.

L'existence de la femme n’a de sens que par le mariage. Sa seule fonction en tant qu’épouse est de donner des fils légitimes à son époux.

Si sur le plan personnel, le statut de la femme est peu ou prou constant jusqu’à la Révolution Française, sur le plan patrimonial, quelques aménagements permettront d’apporter quelques droits à l’épouse. Il s’agit des dots et donations.

La Révolution prend en compte l’évolution de la société

Elle proclame les droits de l’homme, qui sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.

L’égalité semble la grande absente des droits naturels. Il n’est question que d’égalité en droits. On parle d’égalité formelle mais pas réelle. L’article 6 prononce l’égale admissibilité de tous les citoyens « à toute dignité, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents » ;

La femme, si elle n’est pas visée en tant que telle, bénéficie largement du nouvel ordre social.

La puissance paternelle est fortement atténuée.

La conception de la famille devient plus libérale :

Le divorce est rétabli au nom de la liberté individuelle, et est désormais possible pour sept motifs d’ordre moral, déterminés (dérèglement de mœurs, démence, absence de nouvelles depuis cinq ans, abandon depuis deux ans, ou social : condamnation à une peine afflictive ou infamante, crime, sévices ou injures graves, départ en immigration). On peut également divorcer par consentement mutuel ou pour incompatibilité d’humeur ou de caractère, sur demande d’un seul des époux.

En matière de succession toute inégalité entre héritiers ab intestat, des qualités d’aînés, ou puinés, de la distinction des sexes, ou des exclusions coutumières…est abolie.

Mais il faut bien constater que les révolutionnaires se sont moins préoccupés de l’épouse que des enfants.

La convention ne cite pas le conjoint survivant parmi les successibles : c’est dire la défiance contre l’alliance ! Mais la défiance cède devant la volonté des époux. Par donation ou testament, les époux peuvent disposer entre eux de la totalité du patrimoine en pleine propriété en l’absence d’enfant, et de la moitié du patrimoine en usufruit dans le cas inverse.

Alors, le Code civil a-t-il enfin été un élément d’évolution pour le statut de la femme ? Le fait de ne pas avoir parlé de la femme en opposition à l’homme devait-il faire penser que le code s’adresse à l’Homme au sens large ? Il n’en est rien, le Code civil est profondément conservateur, il reviendra sur les lois de la Révolution, lui préférant l’ordre dans la famille sur laquelle il souhaite bâtir un Etat fort.

Cependant, la force du code est d’avoir été écrit de manière suffisamment souple, qu’il lui sera possible de s’adapter aux évolutions de la société. Les réformes tendant à l’évolution du statut de la femme pourront s’y inscrire sans grandes difficultés.

D’abord « contrat social » au lendemain de la Révolution, le Code civil est devenu un « contrat de la société » en y incluant aujourd’hui les profondes évolutions du statut de la femme.

Aussi, il me semble que l’on peut dire que si le Code civil n’a pas fait évoluer le statut de la femme (I), l’évolution du statut de la femme a fait évoluer le Code civil (II).


I – Le statut de la femme dans le Code civil : le Code civil n’a pas fait évoluer le statut de la femme

La Déclaration des droits de l’Homme de 1789 est la référence dans laquelle le Code civil puisera ses fondements : liberté, propriété, égalité.

Le Code civil a joué un rôle déterminant dans la constitution de la nation. Pour la première fois, tous les français, quelle que soit leur appartenance sociale ou religieuse, sont soumis à une loi identique.

Le Code civil se fait l’écho de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, pour l’égalité des droits et la consécration de la propriété privée individuelle, mais en matière familiale, il remet en question certaines tendances de la période révolutionnaire.

A – les tentatives d’évolution du statut de la femme dans les projets du Code civil sont un échec
Le premier projet du Code civil conduit par l’homme politique et avocat de formation, CAMBACERES a tenté de poser les bases du nouveau monde et notamment :
  • Défini le mariage comme un contrat,
  • Conforté un divorce facilité
  • Soumis à l’administration commune les biens du ménage, ce qui est très novateur
Plus encore, CAMBACERES propose l’abolition de « la ridicule puissance maritale » et de l’incapacité de la femme mariée. Il écrit « il n’y a plus de puissance paternelle ; c’est tromper la nature que d’établir ses droits par la contrainte » : le père et la mère ont les mêmes droits vis à vis de leurs enfants !

Dans ce projet, la volonté doit pleinement s’exprimer…mais la période ne s’y prête plus. A la chute de Robespierre, la terreur s’achève et il est temps de consolider les acquis de la Révolution.

Les deuxième et troisième projets sont plus courts et interviennent pendant une période de réaction contre la Révolution eu égard aux excès de la Terreur.
  • La liberté des conventions matrimoniales est réaffirmée
  • Le régime légal reste la communauté
  • Le régime dotal peut être adopté
Mais CAMBACERES abandonne l’administration commune, le mari retrouve ses pouvoirs. La femme mariée redevient incapable.

Les divisions politiques de l’époque empêchent cependant son adoption.

Il faudra attendre une accalmie politique pour que le Code civil soit enfin adopté.


B – Le statut de la femme est sacrifié sur l’autel de la Nation dont les principes sont la famille, la propriété et le contrat
Avec la stabilité politique qui naîtra lors du Consulat. Le Code civil peut enfin advenir.
Accompagné de quatre juristes, sous le contrôle de CAMBACERES, Napoléon Bonaparte va réussir là où CAMBACERES avait échoué par trois fois, à la faveur d’une période politique désormais stable.

Le Code civil est promulgué le 21 mars 1804, marquant un recul certain pour le droit des femmes.

Sur la question du mariage, le Code civil est plus libéral que l’ancien droit français, mais la femme mariée reste subordonnée à son époux.

Le Code civil de 1804 rétablit l’autorité du mari au sein de la famille et met un terme aux tentatives, non abouties, des révolutionnaires d’émanciper la femme mariée.

Alors qu’elle était presque devenue égale de l’homme sur le plan juridique, la femme célibataire est frappée dès son mariage d’une incapacité totale, comme les mineurs et les fous (article 1124 du Code Napoléon),

Dans la famille, le Code Napoléon marque un recul par rapport au droit intermédiaire :
  • La puissance paternelle est réaffirmée. Le mari qui a autorité sur son épouse, est pleinement le chef de famille.
  • Le divorce est admis au nom de la liberté mais de manière beaucoup plus restrictive que sous la Révolution et dans des conditions qui traduisent de manière criante l’inégalité entre l’homme et la femme.
Les causes admises du divorce sont au nombre de trois désormais : (au lieu de sept) article 231 : l’adultère, la condamnation à une peine infamante, les sévices et injures graves. Le consentement mutuel n’est admis que de manière restrictive.

L’adultère de la femme est une cause de divorce (article 229) alors que l’adultère du mari ne l’est que s’il entretient une concubine au domicile conjugal (article 230) !

Il convient tout de même de souligner que le mari est protégé non en tant qu’homme mais en tant que chef de famille.

Pour les successions, le Code Napoléon établit l’ordre des successibles.

D’abord, les enfants et petits-enfants à égalité, puis les père et mère, et les collatéraux privilégiés (frères et sœurs et leurs descendants), et ensuite, le troisième ordre, constitué par les autres ascendants et autres collatéraux jusqu’au douzième degré… puis dans l’ordre, l’enfant naturel, le conjoint survivant et enfin, l’Etat.

Le conjoint survivant est à un rang subalterne dans l’ordre des successibles, sans le bénéfice d’un quelconque gain de survie.

Le Code civil est donc plus défavorable à l’égard du conjoint survivant donc de l’épouse qui, bien souvent, survit à son mari, que l’Ancien Droit français qui prévoyait le gain de survie!

Néanmoins, les donations entre époux sont légalisées.

De plus, la quotité disponible entre époux est plus large que la quotité disponible ordinaire.

En résumé, le survivant n’est réellement protégé que par un aménagement du contrat de mariage, résultant de la volonté des époux.

Sur le patrimoine familial, le code napoléon maintient l’incapacité de la femme mariée. Mais l’équilibre des patrimoines se réalise par l’adoption de la communauté de meubles et acquêts comme régime légal.

Quant au droit de propriété et la liberté des conventions, l’égalité a, en droit de la famille été tenue en échec, par la consécration de la toute-puissance du mari au sein de la famille :
  • La femme ne peut, sans l’autorisation du mari ester en justice (article 215), sauf lorsqu’elle est poursuivie en matière criminelle ou de police (article 216)
  • Elle ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, à titre gratuit ou onéreux, (article 217), la seule exception concerne la femme marchande publique pour son négoce (article 220).
  • Toutefois, elle peut dans tous ces cas s’adresser en justice pour vaincre la résistance de son mari (article 218 et 219) ou quand ce dernier est interdit ou absent (article 222) ou frappé d’une condamnation emportant peine afflictive ou infamante (article 221). Seule, elle ne peut que tester (article 226)
A bien y réfléchir, la puissance maritale ne provient pas d’une différence de droits patrimoniaux entre le mari et la femme puisqu’au contraire, le code Napoléon a institué la communauté de biens meubles et acquêts comme régime légal. Mais les rédacteurs du code ont voulu que la famille ait un chef.

C’est pourquoi dans le Code civil sont inscrits les principes suivants :
  • la femme doit obéissance à son mari et le mari protection à sa femme (article 213),
  • la femme est obligée d’habiter avec son mari et de le suivre partout où il juge à propos de résider et le mari est obligé de la recevoir et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie (article 214).
L’égalité et la réciprocité ne portent que sur les devoirs de fidélité, de secours et d’assistance (article 212).

La femme n’a pas de pouvoir, mais des devoirs !


II – Le Code civil et l’évolution du statut des femmes : L’évolution du statut de la femme a fait évoluer le Code civil

Il faut attendre les avancées des défenseurs du droit des femmes pour que des réformes soient apportées au Code civil et y consacrer le statut de la femme d’aujourd’hui.

Après, l’industrialisation, les guerres, le développement du travail féminin est ressenti comme incompatible avec l’incapacité de la femme mariée. On réclame une indépendance plus grande à la femme ; La femme revendique un statut dès le XIXème siècle.

Aussi, si le Code civil doit être appliqué à la lettre, il y est fait de plus en plus l’objet d’interprétations par la doctrine et la jurisprudence. Mais lorsqu’en 1904, le centenaire du Code est célébré, il a peu changé et l’interrogation sur sa révision va naître.

Les réformes les plus importantes interviennent à la fin du XIXème siècle, elles sont d’abord ponctuelles, avant une réforme profonde pendant la Vème République.


A - Réformes ponctuelles avant la Vème république
En plus de deux cents ans de pratique, il n’y a pas eu de réforme globale du Code civil, mais uniquement des réformes parcellaires au gré desquelles on assiste à l’évolution du statut de la femme :

En ce qui concerne la femme mariée, les réformes portent sur les points suivants :
  • La loi NAQUET de 1884, rétablit le divorce qui a été aboli en 1816. Mais le divorce est établi pour faute seulement, pas par consentement mutuel.
  • En 1881, les femmes mariées sont autorisées à ouvrir et gérer librement un livret de Caisse d’Epargne
  • En 1886, les femmes peuvent adhérer sans autorisation de leur mari à une caisse de retraite
  • La loi du 13 juillet 1907 accroît la capacité de la femme. Cette loi est la conséquence du travail féminin. Elle confère à l’épouse sur ses salaires, les gains réalisés dans l’exercice d’un commerce, d’une industrie, distincts de celle du mari, et dans les professions libérales, les pouvoirs d’administration, de jouissance et de disposition …Mais l’autorisation du mari est nécessaire pour l’exercice d’une profession, le chef de famille peut retirer cette autorisation à tout moment, et le mari garde, généralement, tous ses pouvoirs sur les « biens réservés » c’est-à-dire les gains et salaires de son épouse, car ces biens sont, le plus souvent, communs.
  • La loi du 18 février 1938 se veut plus novatrice Cette loi réforme les articles 213 et suivants du Code civil de 1804 et supprime l’incapacité juridique de la femme mariée : Le devoir d’obéissance de la femme mariée est supprimé. L’article 215 dispose désormais que « la femme mariée a le plein exercice de sa capacité civile » et les neuf articles du code prévoyant l’autorisation du mari sont abrogés. Le juge tranche les désaccords entre époux. Mais le mari reste cependant le « chef de famille » et il a toujours les pleins pouvoirs pour administrer la communauté de biens. Cependant, la loi nouvelle prévoit que chacun gère ses biens propres et que si les biens communs sont toujours administrés par le mari, le consentement de l’épouse est nécessaire s’il souhaite en disposer.
  • Si le régime de Vichy rétablit, en 1942, le principe de l’autorisation, il octroie à la femme un mandat domestique tacite (art. 220), le droit de se faire ouvrir un compte en banque (art. 22l-222) et consacre les biens réservés (art. 224 à 226).
  • Une loi de 1943, supprime la nécessité d’autorisation maritale pour l’ouverture d’un compte bancaire (période de guerre oblige ?). Mais en pratique, les banques continuent à réclamer l’accord du mari !
  • Après la guerre, l’ordonnance du 9 octobre 1945 instaure la cogestion pour les donations et reconnaît le pouvoir de la femme sur ses biens personnels en régime séparatiste.

Malgré ces retouches ponctuelles, l’inégalité subsiste :
  • la femme doit requérir du juge le droit de résider séparément avec ses enfants (loi de 1942);
  • le mari, qui n’autorise plus, peut s’opposer à l’exercice d’une profession séparée (lois de 1938 et 1942) ;
  • la communauté, régime légal, reste dirigée par le mari.

Sans réforme d’ensemble, le législateur adapte plus qu’il ne refond. Il faudra attendre le début de la Vème république, pour que le garde des sceaux Jean Foyer initie une révision du Code civil, avec des réformes en profondeurs dans les années 1960, sous l’impulsion du Doyen Carbonnier.


B – L’évolution des mœurs et une réforme globale, permettent enfin à la femme de devenir l’égale de l’homme
1968 ébranle les esprits, et les droits de l’homme se transforment en droits de la personne. Pour consacrer une égalité réelle des hommes et des femmes mariés, il faudra une réforme d’ensemble pour consacrer la capacité de la femme mariée.

1 - Avec la réforme globale des régimes matrimoniaux en 1965, la femme mariée acquiert la capacité de gérer le patrimoine commun

La communauté légale de biens meubles et acquêts est devenue inadaptée : D’une part, l’accroissement des fortunes mobilières rend inacceptable la mise en communauté des meubles. Les meubles n’ont plus vil prix. D’autre part, les règles anciennes heurtent l’aspiration à l’égalité entre époux.

Une véritable réforme exige la refonte de la communauté légale.

Une enquête d’opinion et une vaste consultation sont lancées. Les notaires, lors de divers congrès, attirent l’attention du législateur sur les nécessités de changement et font plusieurs propositions.
C’est la loi du 13 juillet 1965, élaborée par Jean Carbonnier, qui opère une profonde réforme des régimes matrimoniaux.

Plusieurs traits marquants caractérisent cette loi
  • Le régime légal est désormais la communauté réduite aux acquêts. A côté de la séparation de biens, un nouveau régime est proposé aux futurs époux : la participation aux acquêts, qui vise à un juste équilibre entre l’équité et le désir moderne d’autonomie des patrimoines.
  • L’égalité du mari et de la femme se manifeste dans ce que la doctrine appellera le « régime primaire » et dans les nouvelles modalités de gestion de la communauté.

Quel que soit le régime matrimonial :
  • «la femme a le droit d’exercer une profession sans le consentement de son mari » (art. 223).
  • Chaque époux a la libre administration et disposition de ses biens propres. (aer.225)
  • L’autonomie bancaire de l’épouse est confirmée.(art.221)
La communauté reste administrée par le mari, mais les actes les plus importants nécessitent l’accord des deux époux.
Le juge n’intervient plus que pour interdire les actes abusifs et quand l’un des époux est hors d’état de manifester sa volonté.

L’égalité se traduit par une capacité limitée de chacun : la cogestion.

Mais la loi du 13 juillet 1965 conserve, cependant, la prééminence du mari : il est toujours le chef de famille.

Ce sont les lois du 4 juin 1970, 11 juillet 1975 et 23 décembre 1985 qui établissent complètement l’égalité patrimoniale :
  • La notion du «chef de famille » est supprimée par la loi 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale, les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. (art.213)
  • Chacun participe, en proportion de ses ressources, à l’entretien du ménage. (art.214)
  • La loi du 23 décembre 1985, supprime toute référence au mari ou à la femme. On désigne désormais « chaque époux »,
L’égalité est parfaite.

Au-delà, le législateur contemporain tente de donner une réalité économique à l’égalité.
  • La loi du 4 juillet 1980 améliore la situation des conjoints d’exploitant agricole collaborant à l’exploitation familiale.
  • La loi du 10 juillet 1982 définit un statut des conjoints d’artisan et de commerçant travaillant dans l’entreprise.
  • La loi du 23 décembre 1985 favorise la participation de chacun aux résultats de l’activité commune, et élargit la faculté pour deux époux de constituer une société.

Dans les termes du Code civil, la femme ne sera l’égale de l’homme, qu’en 1983 avec la suppression dans le Code civil de l’expression juridique « en bon père de famille », la remplaçant par les termes, « paisiblement », « raisonnablement »… Notons que la loi globale visant à combattre les inégalités entre les femmes et les hommes dans la sphère privée, publique, et professionnelle, promulguée le 4 août 2014, supprime la référence au « bon père de famille » dans tout le droit en vigueur, en France.

Nous constatons que la loi de 1965 a agi comme un déclencheur. Elle a fait sauter le verrou de la soumission de la femme à un ordre moral d’un autre temps.

Jusqu’alors, la femme avait deux choix :
  • être reconnue socialement en choisissant le mariage mais en renonçant à sa capacité,
  • renoncer au mariage pour vivre librement, mais en renonçant à son honneur

La réforme des régimes matrimoniaux lui reconnaît sa participation au sein du ménage et lui ouvre la capacité de gérer les biens.

Or, il ne s’agit que de biens matériels. La femme a d’autres biens qu’elle entendra gérer à égalité avec l’homme : son corps, ses enfants, sa famille, son couple.

Après la loi de 1965, d’autres lois vont accomplir l’égalité parfaite homme/femme, et mettre au monde la femme que l’on connaît aujourd’hui. Le Code civil consacrera ces diverses lois.


2 - Les lois postérieures au 13 juillet 1965, consacrent la femme libre dans le Code civil Les lois postérieures à 1965, prennent en compte la volonté de la femme et lui accordent la liberté d’exister par elle-même.

a –la femme existe en dehors du mariage

Le mariage ne prédomine plus la notion du couple et de la famille. La femme peut divorcer, choisir de ne pas se marier, avoir des enfants ou pas, fonder une famille, ou non, et hériter de son conjoint.

b – La libéralisation du divorce

Depuis le divorce-sanction rétabli en 1884, le nombre de divorce progresse : 23 000 en 1945, 40 000 en 1949, 60000 en 1974. Les couples aspirent à plus de liberté, une réforme s’impose.
Une nouvelle loi sur le divorce est votée le 11 juillet 1975. Elle se caractérise par la part plus grande laissée à la volonté.

Le divorce par consentement mutuel est à nouveau admis
La loi se préoccupe de la situation des époux, et donc de l’épouse le plus souvent, à la suite du divorce :
  • elle accorde à l’époux « victime économiquement », une prestation compensatoire destinée à corriger les effets du divorce ;
  • elle attribue le droit à réversion en matière de retraite, à l’ex-épouse
Le divorce doit être plus aisé et pacifié.
La libéralisation opérée répond à une réelle demande sociale.
Depuis, la loi du 26 mai 2004 a ajouté également un alinéa 3 à l’article 220-1 du Code civil (éviction du conjoint violent).

c – La pluralité des unions

Le mariage ne prédomine plus non plus sur la notion du couple moderne : le mariage a aujourd’hui des concurrents, le concubinage et le PACS. La loi du 15 novembre 1999 créée le PACS.

Avec la loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale, l’article 372 du Code civil donne désormais aux deux parents non mariés l’exercice en commun de l’autorité parentale.

Dans les couples, on a assisté à une irrésistible ascension de la liberté et de l’égalité de la femme. Plus de liberté et plus d’égalité résument l’histoire du couple depuis 1804.

D – la femme dispose de son corps, elle assume son désir d’enfant, le Code consacre cette volonté

Depuis 1804, le désir d’enfant doit se concilier avec la norme du mariage. En ce qui concerne l’enfant non désiré : Le Code pénal de 1810 réprime lourdement l’avortement.
Les femmes revendiquent le droit de n’avoir que des enfants désirés.
Il est temps de réformer.
  • La loi du 28 décembre 1967 (loi Neuwirth) autorise la fabrication et la vente, sous conditions, des contraceptifs et crée des centres de conseils pour la planification familiale.
  • La loi du 17 janvier 1975 présentée par Simone Veil (Ministre de la Santé Publique), permet l’interruption volontaire de la grossesse (I.V.G.) pour motif thérapeutique, mais également par simple volonté de la femme « que son état place dans une situation de détresse »

Cette prise en compte de la volonté de la femme constitue une grande victoire dans l’histoire des luttes féminines.
Le Conseil d’Etat décide le 31 octobre 1980 que la femme apprécie seule, en toute liberté et discrétionnairement, s’il y a ou non situation de détresse.

Le refus de l’enfant peut également se manifester après sa naissance.
Le droit civil français reconnaît le droit pour la mère de conserver l’anonymat lors de l’accouchement (art. 341-l).

Une action en recherche de maternité ne peut permettre de lever ce secret (art. 341)
En ce qui concerne le désir d’enfant, et l’adoption, avec la loi du 11 juillet 1966 la femme peut adopter seule. L’adoption plénière n’est plus désormais réservée aux couples.

E – Le schéma familial évolue, l’enfant a un père mais aussi une mère

Le modèle de la famille a changé, il devient pluriel : Le code Napoléon avait érigé un modèle familial avec le chef de famille ayant deux attributs, la puissance maritale et la puissance paternelle ; Plus de deux siècles plus tard, ce modèle a laissé la place à la pluralité des schémas familiaux. La loi a reconnu d’autres unions que le mariage ; le mari doit partager le pouvoir avec la femme et la famille est souvent monoparentale ; les enfants libérés du joug paternel, sont égaux, et fréquemment, issus d’unions différentes. Le sujet a triomphé : il n’y a plus un modèle unique mais un modèle et des schémas tous légitimes.

Le père n’est plus « la personne » dont on protège la progéniture et le patrimoine, il administre la famille avec la femme, à égalité, dans l'intérêt de l'enfant.

La puissance paternelle est remplacée par l’autorité parentale

Le Code Napoléon crée l’administration légale (art. 389). Le père est administrateur ; il est comptable de la propriété et des revenus des biens de ses enfants.
Depuis 1804, la puissance du père s’est atténuée puis a disparu au profit de l’autorité des parents; la mère est devenue l’égale du père.
L’intérêt de l’enfant qui guide la politique législative, ouvre des droits aux femmes.

La loi du 4 janvier 1970 assure l’égalité des parents en attribuant l’autorité parentale au père et à la mère. (art.371-1 du Code civil)
(Notons qu’en confiant l’autorité parentale sur les enfants à la mère, cette même loi rompt l’égalité. Il est vrai que, le plus souvent, les mères ont la garde de l’enfant et que la loi du 4 juin 1970 associe l’exercice de l’autorité parentale à la garde de l’enfant, dans l’intérêt (présumé) de l’enfant.)

Avec la loi du 11 juillet 1975, le père et la mère choisissent « d’un commun accord » la résidence de la famille.
La loi du 23 décembre 1985 attribue aux parents mariés l’exercice en commun de l’administration légale.

La famille contemporaine n’a plus de chef, elle a (le plus souvent), deux gérants, le père et la mère.
D’ailleurs, la loi autorise depuis 1984, d’ajouter au nom patronymique de l’enfant, le nom de son autre parent (en général, celui de la mère) et depuis la loi du 4 mars 2002 entrée en vigueur le 1er janvier 2005, la loi concernant le choix du « patronyme » autorise qu’il porte désormais le nom de la mère uniquement. Le nom de famille peut être celui du père, de la mère ou les deux accolés. Il est d’ailleurs supprimé dans la loi toute mention au « patronyme » (issu de « pater ») !

Quant à l’époux ou l’épouse, l’article 225-1 introduit par la loi du 17 mai 2013 stipule que chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution, ou adjonction, à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit.

La femme est pleinement devenue l’égale de l’homme.

F – La femme devient, enfin, héritière de son mari

Le droit des successions a connu plusieurs changements parmi les principaux : la part croissante du conjoint survivant et l’ouverture d’espaces de liberté.
La part croissante du conjoint survivant ou le triomphe de l’amour conjugal : Alors que le Code Napoléon se méfie des liens de l’amour et préfère les liens du sang, l’éclatement des familles élargies traditionnelles, le rôle grandissant de la femme dans le couple et l’idéologie romantique conduisent à une première réforme à la fin du XIXè siècle.
La loi du 9 mars 1891 confère au veuf ou à la veuve un droit d’usufruit sur les biens du prédécédé existant lors du décès, elle attribue également au survivant dans le besoin un droit à des aliments à la charge de la succession.
Mais si les lois postérieures marquent la nouvelle prééminence du conjoint survivant sur la parenté collatérale, c’est la loi du 3 décembre 2001 qui augmente considérablement les droits du conjoint survivant en tant qu’héritier « ab intestat » (art.734 du Code civil) : c’est-à-dire qu’elle le promeut, dans l’ordre des successibles, juste derrière les descendants et les ascendants privilégiés. Sa part successorale est accrue.
Elle est :
  • 1er, en présence d’enfant ou de descendant communs, à son choix, de l’usufruit de la totalité des biens ou de la propriété du quart des biens ;
  • 2e, en présence d’enfant du défunt non commun, d’un quart en propriété ;
  • 3e, en présence du père ou de la mère de trois quarts, ou des deux, de moitié.
Il bénéficie au surplus de droits temporaire ou viager au logement.
Par ailleurs, elle l’institue héritier réservataire lorsqu’il n’existe ni descendant ni ascendant. Le conjoint survivant est, dorénavant, parmi les principaux successibles.
Les droits successoraux du conjoint survivant sont renforcés par d’autres droits légaux : la réversion de partie des pensions de retraite et l’attribution préférentielle du logement ou de l’exploitation.
Le sort du conjoint survivant dépend aussi des libéralités.
Ainsi, la faculté de disposer de l’usufruit est élargie par la loi du 3 juillet 1963 : outre la quotité disponible ordinaire, un conjoint peut disposer au profit de l’autre conjoint de l’usufruit total ou d’un quart des biens en propriété et des 3/4 en usufruit. De fait, les notaires avaient développé la pratique du don mutuel ou donation réciproque au dernier vivant.
De plus, depuis la loi de 2006, les parents n’étant plus héritiers réservataires, avec une donation entre époux, le conjoint survivant recueille la totalité du patrimoine du défunt


Conclusion

Nous avons pu constater que ce n’est pas le Code civil qui a fait évoluer le statut de la femme mais les luttes menées par des femmes certes mais aussi des hommes, pour reconnaître l’existence de la femme en tant que telle, en tant qu’épouse, mère et femme active.

Napoléon a affirmé : « Ma vraie gloire, ce n’est pas d’avoir gagné 40 batailles, WATERLOO effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil. »

En effet, et ainsi que l’évoquait Dominique PERBEN garde des sceaux le 25 octobre 1804 lors de son discours au Conseil de l’Europe à l’occasion du Bicentenaire du Code civil : « …La modernité du Code civil repose en parties sur ces valeurs fondatrices de la société contemporaine, mais aussi sur les facultés d’adaptation du code à des enjeux nouveaux (…) »

Mais le statut de la femme ne peut être réduit aux textes qui l’a consacré. Il continue d’évoluer à travers les mœurs, au gré de l’évolution de la société, elle-même.

La femme d’aujourd’hui est libre de manière générale en France : elle fait des études, choisit son existence (métier, vie privée, famille, enfant…sans être mariée ni accompagnée), et parmi les 10 meilleurs pays pour être une femme, en tenant compte de l’espérance de vie, l’éducation, le pouvoir d’achat et le niveau de vie, la France se situe à la 10è place, derrière l’Islande, la Norvège, l’Australie, le Canada, l’Irlande, la Suède, la Suisse, le Japon, les Pays-Bas.

Mais, il y a encore bien des domaines où l’égalité dans les faits n’est pas toujours parfaite. Aujourd’hui encore, la femme française a du mal dans les faits à être considérée égale à l’homme, dans la société, même si en droit, elle a les mêmes les attributs.

Ainsi, il y a quelques mois encore, des sondages posaient la question de la parité des femmes dans la sphère professionnelle et notamment, politique à l’occasion du remaniement ministériel de la Présidence de François Hollande,

Nous venons de fêter le 8 mars dernier la journée internationale de la femme, symbole de la lutte pour l’évolution du statut des femmes dans le monde afin de parvenir à la parité homme/femme dans la société.

Preuve en est que le but n’est pas toujours été atteint dans vie civile et sociale de la femme, ce que développera maintenant Monsieur le Bâtonnier Alain de BEZENAC sur la période de 1804 à nos jours.


Bibliographie
 
  • "Code civil, les défis d'un nouveau siècle" – 100ème congrès des Notaires de France (Paris 16-19 mai 2004).
  • Chronologie : le droit des femmes en France-Martine Fourier.
  • "Avis et rapports dui Conseil économique, social et environnemental – 1968/2008 - évolution et perspective de la situation des femmes de la société française" 2009.



Colloque du 11 mars 2016
Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de ROUEN
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