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Le Family Buy Out (FBO)

Antoine Bouquemont, notaire à Reims
Rapporteur général du 114ème Congrès des notaires de France


Le LBO familial, également dénommé family buy out, est un schéma d’optimisation de la transmission de la société familiale. Il repose sur deux opérations successives :
  • le dirigeant effectue une donation-partage de ses titres à l’ensemble de ses héritiers, à charge pour les repreneurs de verser une soulte à leurs copartageants (chapitre I) ;
  • les héritiers repreneurs apportent ensuite les titres reçus à une société holding. Ils bénéficient d’effets de levier juridique, financier et fiscal engendrés par cette opération, sans que le bénéfice de l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit ne soit remis en cause (chapitre II).
Lorsque le dirigeant souhaite recevoir un capital à l’issue de la transmission de sa société, ce montage est complété par la vente d’une partie de ses titres sociaux (chapitre III).


CHAPITRE I - La donation-partage de la société
1
La donation-partage des titres de la société familiale est précédée par la signature d’un engagement collectif de conservation. Dans le cadre d’une opération de LBO familial, l’engagement collectif est le plus souvent réputé acquis. Les conditions relatives aux délai et pourcentage de détention des titres, ainsi qu’à l’exercice d’une fonction de direction, ne posent en principe pas de difficultés. La durée des engagements de conservation est donc fréquemment réduite à quatre ans.

2
Le LBO familial suppose la réalisation d’une donation-partage dont les bienfaits sont subordonnés à ce que tous les héritiers reçoivent un lot1. Le refus d’un héritier de participer à la donation-partage n’empêche pas la réalisation de l’opération de transmission. Il affecte néanmoins la sérénité du montage, des conflits d’évaluation étant susceptibles de naître au moment du partage de la succession du dirigeant.
La donation-partage peut porter seulement sur les titres de la société, attribués aux héritiers repreneurs2, à charge pour eux de verser une soulte à leurs donataires copartagés. La soulte est stipulée payable à terme dans le partage d’ascendant. Le délai de paiement doit être court pour éviter l’application de la règle de revalorisation automatique d’ordre public, en cas de variation de plus de 25% de la valeur des titres attribués aux repreneurs. En pratique, le paiement intervient rapidement après la donation-partage, grâce à l’emprunt souscrit par la société holding pour rembourser la soulte. Des garanties sont néanmoins prévues en faveur des bénéficiaires de la soulte afin d’en assurer le paiement3.

3
Fiscalement, la donation-partage assortie d’une soulte est très avantageuse au regard du dispositif de faveur établi par la loi Dutreil. Le partage n’étant pas pur et simple, les droits de donation sont calculés à l’aune des droits théoriques de chaque donataire dans la masse. L’exonération partielle et la réduction des droits de 50%, le cas échéant, profitent à tous les bénéficiaires du partage anticipé, alors même que seul l’attributaire des titres est tenu de prendre l’engagement individuel de conservation quadriennal4.


CHAPITRE II - L’apport à une société holding
4
L’objet d’un holding est la détention de participations dans une ou plusieurs autres sociétés en vue de les contrôler5. Les contraintes liées à l’apport de la société d’exploitation à une société holding dans le cadre d’un LBO familial sont spécifiques. Il convient de les préciser (section I), avant de déterminer les aspects fiscaux de l’apport (section II).

SECTION I - Les contraintes de l’apport à la société holding
5
L’apport de la société d’exploitation à une société holding procure un effet de levier juridique. Détenant la majorité du holding, lui-même majoritaire dans le capital de la société d'exploitation, l'héritier repreneur la contrôle en possédant un minimum de participation.
En pratique, l'héritier repreneur contrôle la société d'exploitation dès lors qu’il détient indirectement son capital à hauteur de 26 % (51 % x 51 %).
Dans le cadre d’un LBO familial, la société holding de reprise répond à des caractéristiques singulières, dictées par le législateur (sous-section I). Les modalités de l’apport relèvent en revanche du droit commun (sous-section II).

SOUS-SECTION I - Les caractéristiques de la société holding

6
Les caractéristiques de la société holding sont liées aux contraintes du maintien de l’exonération partielle. Elles concernent l’objet social (II), la détention du capital et la direction de la société holding (III). Le choix de la forme sociale est libre. Il convient néanmoins de déterminer la structure la mieux adaptée au LBO familial (I).

§ I - La forme sociale de la société holding

7 Compte-tenu de la souplesse d’utilisation nécessaire à son fonctionnement, le choix de la forme sociale du holding de reprise se limite le plus souvent entre la SAS et la société civile soumise à l’impôt sur les sociétés. Ces deux structures ont des règles de fonctionnement très souples. Elles permettent en effet de moduler les règles d’agrément, afin de soumettre l’entrée de tout nouvel associé à l’accord préalable de la société. Elles admettent également un aménagement statutaire des règles de majorité, des conditions de nomination et de révocation souples des dirigeants, ainsi que la possibilité de retrait ou d'exclusion d’un associé.

8
Le choix de la SAS est judicieux à plusieurs titres :
  • la responsabilité des associés est limitée ;
  • les clauses statutaires d’inaliénabilité temporaire des actions sont autorisées et n’ont pas à être justifiées ;
  • des droits sociaux complexes, tels que les actions de préférence peuvent être créés ;
  • les pactes d’actionnaires sont sécurisés dans les statuts ;
  • à l’issue des engagements fiscaux, aucune transformation n’est exigée si la société holding devient opérationnelle ou animatrice de son groupe.
Les inconvénients de la SAS sont limités à l’intervention d’un commissaire aux apports et à l’obligation de désigner un commissaire aux comptes6. Les lois Sapin II et Pacte ayant considérablement relevé les seuils de désignation de ces professionnels, ces inconvénients sont désormais mineurs.

§ II - L’objet social de la société holding

9
Avant la loi de finances pour 2019, l’objet social exclusif du holding de reprise était obligatoirement la gestion de son propre patrimoine. Ainsi, n’était-il pas susceptible d’animer son groupe ou d’exercer une activité opérationnelle, pendant toute la durée des engagements fiscaux.
La loi de finances pour 2019 a supprimé purement et simplement la condition relative à l’objet du holding. Cet aménagement est salutaire. Il permet notamment à la société holding bénéficiaire de l’apport d’être animatrice de son groupe de sociétés.
La condition relative à la composition du patrimoine du holding a également été considérablement assouplie. En effet, la condition de détention exclusive de participations dans une ou plusieurs sociétés du même groupe que la société dont les parts ou actions ont été transmises et ayant une activité, soit similaire, soit connexe et complémentaire est supprimée.
Désormais, la loi impose uniquement au holding de détenir, jusqu’à l’expiration des engagements fiscaux, un actif brut dont la valeur réelle est composée à plus de 50 % de participations dans la société dont les titres ont bénéficié de l’exonération partielle lors de la transmission.
Les catégories de titres susceptibles d’être apportés à la société holding ont également été élargies. Ainsi, l’apport peut désormais valablement porter sur des titres de sociétés interposées, détenant directement une participation couverte par un engagement collectif de conservation dans une société exerçant une activité éligible au régime de faveur. Cette faculté est néanmoins limitée à un seul niveau d’interposition, le texte ne visant que « l’apport de titres d’une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement de conservation ».
L’apport de titres d’une société interposée est logiquement conditionné au respect de la prépondérance des actifs, pendant toute la durée des engagements de conservation. La valeur réelle de l’actif brut du holding bénéficiaire de l’apport doit en effet être composée à plus de 50 % de participations indirectes dans la société soumise aux obligations de conservation.

§ III - La détention du capital et la direction de la société holding

10
Avant la loi de finances pour 2019, le holding de reprise était obligatoirement détenu en totalité par les personnes physiques bénéficiaires de l'exonération partielle.
Cette condition excluait ainsi que des investisseurs tiers7 souscrivent au capital du holding. Le recours à des obligations convertibles en actions, dont le dénouement n’intervenait qu’à l’issue des engagements fiscaux, facilitait néanmoins la réalisation de LBO familiaux complexes, nécessitant le concours financier d’investisseurs extérieurs8.
La société holding devait par ailleurs obligatoirement être dirigée par une ou plusieurs personnes physiques bénéficiaires de l'exonération.
Les conditions relatives à la détention du capital et à la direction du holding ont également été assouplies par la loi de finances pour 2019.
Le maintien de l’exonération est désormais conditionné à la détention, par les personnes soumises aux obligations de conservation, des trois-quarts au minimum du capital et des droits de vote de la société bénéficiaire de l’apport.
Le capital du holding de reprise est ainsi ouvert à des tiers à hauteur de 25 % maximum.
La société holding doit également être impérativement dirigée directement par une ou plusieurs personnes soumises aux obligations de conservation.
La détermination des personnes susceptibles de détenir la majorité du holding et de le diriger divise la doctrine :
  • pour certains auteurs, il s’agit uniquement des bénéficiaires de la transmission, tenus de respecter cumulativement l’engagement collectif et l’engagement individuel de conservation9 ;
  • pour d’autres, il s’agit des personnes tenues de respecter alternativement l’un ou l’autre de ces engagements, permettant ainsi d’inclure tous les signataires de l’engagement collectif, en particulier le donateur10.
L’utilisation d’une société préexistante dans le cadre d’un LBO familial est déconseillée. Elle nécessite un audit, aboutissant fréquemment à la préconisation d’opérations complexes engendrant des coûts importants (modifications statutaires, cessions de titres, externalisations d’actifs, etc.).


SOUS-SECTION II - Les modalités de l’apport à la société holding

11
L'apport à la société holding revêt un caractère mixte (I), et certaines singularités lorsqu’il porte sur des titres démembrés (II).

§ I - Le caractère mixte de l’apport à la société holding

12
’héritier repreneur apporte les titres reçus dans la donation-partage à la société holding, à charge pour elle de payer la soulte à ses bénéficiaires. L'apport est consenti à titre pur et simple à hauteur des droits de l’héritier repreneur dans le partage d’ascendant. Pour le surplus, correspondant à la soulte prise en charge, l’apport est consenti à titre onéreux. La délégation de créance est parfaite si les bénéficiaires de la soulte déchargent l’enfant repreneur de son obligation de paiement. Au contraire, cette délégation est imparfaite s’ils choisissent de conserver l’enfant repreneur codébiteur de la soulte.
Il n’est pas possible d’apporter un autre passif que la soulte au holding, tel que les droits de donation dus au titre du partage d’ascendant, sous peine de remettre en cause l’exonération partielle.

§ II - L’apport de titres démembrés à la société holding

13
Dans l’hypothèse où les titres sont donnés en nue-propriété, l’apport à la société holding n’engendre pas de remontée de dividendes, ceux-ci étant appréhendés par le donateur usufruitier. Ainsi, la société holding n’a pas la capacité financière de régler la soulte. Il existe cependant différentes stratégies susceptibles de permettre la réalisation du LBO familial.

14
L’acquisition par le holding de titres appartenant au donateur en pleine propriété permet la remontée de dividendes. Les associés du holding doivent veiller à ce que le nombre de titres acquis permette le remboursement de l’emprunt. La vente d’une partie de l’usufruit réservé par le donateur produit des effets similaires.

15
L'apport conjoint de la nue-propriété et de l'usufruit des titres de la société d’exploitation à la société holding est également envisageable. Dans ce cas, le choix de la rémunération des apports effectués se pose.
Si les apports conjoints du donateur et du donataire sont rémunérés par des titres de la société holding en pleine propriété, les titres ainsi reçus par le donateur se retrouvent dans son patrimoine. Ils seront transmis et taxés à l’occasion d’une donation ultérieure ou lors du règlement de la succession du donateur, ce qui affaiblit considérablement les bénéfices civils et fiscaux de la donation-partage initiale.
Si les apports effectués en démembrement sont rémunérés par des titres eux-mêmes démembrés, les droits de vote du donateur dans la société bénéficiaire de l'apport sont limités aux seules décisions concernant l'affectation des bénéfices11. Par ailleurs, le report du démembrement ne s’effectue qu'à hauteur de l'apport de la nue-propriété apportée au holding à titre pur et simple12. Or, l’apport à titre onéreux, matérialisé par la prise en charge de la soulte, constitue fréquemment la partie la plus significative de l'apport. Dans cette hypothèse, seule une partie restreinte des parts de la société holding est ainsi attribuée en usufruit au donateur en contrepartie de son apport. Le surplus est rémunéré par des titres en pleine propriété qui seront transmis ultérieurement. Si le donateur conserve le surplus de ses titres en usufruit dans la société d’exploitation, les dividendes ne remontent pas à la société holding, ce qui est susceptible de nuire au bon déroulement financier du montage.
En toute hypothèse, ces apports conjoints sont de nature à ébranler l’équilibre du partage entre les donataires, puisqu’in fine, les dividendes distribués au donateur et mis en réserve dans la société holding servent à rembourser l’emprunt contracté par le holding pour payer la soulte due aux héritiers copartageant de l’enfant repreneur.


SECTION II - Les aspects fiscaux propres à l’apport à la société holding
16
Les aspects fiscaux de l’apport de la société d’exploitation à un holding sont divers. Il s’agit en premier lieu de déterminer la fiscalité engendrée par l’opération d’apport elle-même (sous-section I). Le maintien de l'exonération partielle guide ensuite les conditions de l'apport (sous-section II).


SOUS-SECTION I - fiscalité de l’apport à la société holding

17
L'apport des titres engendre la perception de droits d’enregistrement (I). Il est également susceptible de dégager une plus-value taxable (II).

§ I - Les droits d’apport

18
L'apport effectué à la société holding est mixte. Il est exonéré de droits d’enregistrement à hauteur des droits de l’héritier apporteur dans la donation-partage lorsqu’il est effectué à l’occasion de la constitution du holding. En revanche, il engendre le paiement des droits de mutation correspondant à la nature des titres apportés à la société holding13, à hauteur de la soulte prise en charge. Lorsque l'apport porte sur des actions, il est soumis à un droit de 0,1 %. Lorsqu'il porte sur des parts sociales, il est soumis à un droit de 3 %, l'assiette du droit étant réduite d'un abattement égal, pour chaque part sociale, au rapport entre 23.000 € et le nombre total de parts de la société.
Il est parfois judicieux d’envisager la transformation préalable d’une société divisée en parts sociales en une société divisée en actions, afin de réduire le montant des droits d’apport, lorsque les sommes en jeu sont significatives.

§ II - Les plus-values d’apport

19
L’apport est en général effectué très rapidement après la transmission à titre gratuit. Les titres sociaux reçus par l’enfant repreneur aux termes de la donation-partage sont apportés au holding pour la même valeur. L’opération ne dégage aucune plus-value d’apport. Dans l'hypothèse où l’héritier repreneur n’effectue pas l’apport immédiatement après la transmission, la valeur des titres donnés peut avoir augmentée par rapport à la valeur portée dans la donation-partage. Dans ce cas, la plus-value est soumise au régime d'imposition des plus-values privées. Le donataire apporteur bénéficie du report d’imposition sur la partie d’apport à titre pur et simple et est taxé sur la plus-value dégagée sur les titres apportés à titre onéreux.

20
Lorsque le donateur souscrit au capital du holding de reprise, par apport de titres en pleine propriété, ou par apport de l’usufruit de titres transmis en nue-propriété aux termes de la donation-partage, la plus-value constatée lors de l'apport bénéficie également du régime de report d'imposition14.
Dans l’hypothèse où une entreprise individuelle est apportée à une société préalablement à la transmission, cet apport bénéficie du régime de report d'imposition prévu par l'article 151 octies du Code général des impôts15. Lors de la transmission à titre gratuit, le report d'imposition est maintenu au profit du bénéficiaire s'il prend l'engagement dans l'acte de donation d'acquitter la plus-value à la date de la cession des titres reçus. En revanche, l'apport des titres à la société holding suite à la donation-partage met fin au report16.


SOUS-SECTION II - Le maintien de l’exonération « Dutreil » malgré l’apport

21
L'apport est une mutation de titres sociaux susceptible de provoquer la déchéance de l’exonération partielle obtenue lors de la donation. Par exception, l’apport ne rompt ni l’engagement collectif, ni l'engagement individuel de conservation, si certaines conditions sont respectées17.
Le maintien de l’exonération partielle est subordonné au respect des conditions suivantes (CGI art. 787 B, f) :
  • la valeur réelle de l’actif brut de la société holding bénéficiaire de l’apport doit être composée, à l’issue de l’apport et jusqu’au terme des engagements fiscaux (engagement collectif de conservation s’il y a lieu puis engagement individuel de conservation), à plus de 50 % de participations dans la société dont les titres ont bénéficié de l’exonération ;
  • les trois-quarts au moins du capital et des droits de vote de la société holding doivent être, à l’issue de l’apport, détenus par les personnes soumises aux obligations de conservation ;
  • la société holding doit être dirigée directement par une ou plusieurs de ces personnes ;
  • la société holding bénéficiaire de l’apport doit prendre l’engagement de conserver les titres apportés jusqu’au terme des engagements individuels et collectifs ;
  • les apporteurs doivent conserver, pendant la même durée, les titres reçus en contrepartie de l’apport.
Ainsi, l'apport reporte la contrainte relative aux engagements de conservation sur les titres du holding.

22
Le bénéfice du paiement fractionné et différé des droits de donation est remis en cause si la soulte transmise par l'enfant repreneur à la société holding excède le tiers de la valeur brute des biens apportés. En pratique, cette hypothèse se rencontre dans la plupart des montages de LBO familiaux. Ainsi, en l’absence d’une doctrine administrative favorable, les donataires ne bénéficient que dans de rares hypothèses de ce régime favorable, aux termes de la donation-partage.


SOUS-SECTION III - Le fonctionnement financier et fiscal de la société holding

23
La prise en charge de la soulte de partage par la société holding optimise les aspects financiers et fiscaux de la transmission.
Lorsque l’héritier repreneur emprunte en son nom propre, les possibilités de déduire les intérêts de l'emprunt sont limitées. Par ailleurs, les dividendes reçus de la société d'exploitation sont soumis à l'impôt sur le revenu, ce qui diminue la capacité de remboursement.
En revanche, l’emprunt souscrit par la société holding est remboursé grâce aux dividendes distribués par la société d’exploitation en quasi-franchise d’impôt. Le nouveau groupe de sociétés, constitué par la société d’exploitation19 et le holding, bénéficie du régime fiscal des sociétés « mère-fille », lorsque le holding détient au moins 5% du capital de la société d’exploitation. Ce régime neutralise les remontées de dividendes de la société opérationnelle au holding pour l'établissement de l’impôt sur les sociétés. Reste taxable une quote-part de frais et charges de 5 %, quel que soit le montant réel des frais et charges supportés par la société mère20. Par ailleurs, les frais financiers engendrés par l’emprunt sont en principe déductibles du résultat fiscal de la société holding.

24
Le résultat fiscal du holding est souvent insuffisant pour lui permettre de déduire l’intégralité des intérêts de l’emprunt souscrit. Afin d’optimiser le montage et permettre la déduction totale de ces frais financiers, le régime de l'intégration fiscale doit être choisi si le holding détient au moins 95 % du capital de la société opérationnelle21. Cependant, l'application du retraitement lié à l’amendement « Charasse », neutralise temporairement les bienfaits de ce régime fiscal dans le cadre d’un LBO familial. Les titres de la société d’exploitation sont apportés à la société holding par les personnes possédant le contrôle direct du holding22. Par conséquent, les charges financières liées à l’emprunt sont rapportées au résultat d'ensemble pendant une période de neuf ans23.

25
L’optimisation fiscale recherchée peut résulter de la fusion rapide de la société opérationnelle et du holding. La consolidation des résultats de ces deux sociétés permet la déductibilité intégrale des frais financiers liés à l’emprunt. Cette fusion ne peut intervenir qu’à l’expiration de l’engagement individuel de conservation des titres, sauf à remettre en cause le bénéfice de l’exonération partielle24. Par ailleurs, les opérations de fusion rapide de sociétés suscitent une certaine défiance de la part de l’administration fiscale. Ainsi, cette opération nécessite certaines précautions, afin de ne pas tomber sous le coup de la répression des abus de droit25.

26
L'activation de la société holding est un moyen efficace permettant la déduction de l’intégralité des intérêts de l’emprunt souscrit. Dans cette hypothèse, la société holding est animatrice de son groupe et facture des prestations de service à la société d’exploitation, ou exerce une activité économique propre. Les bénéfices engendrés par ces activités permettent à la société holding d'imputer les intérêts de l'emprunt sur son résultat global.


CHAPITRE III - La vente de titres dans le cadre d’un LBO familial

27
Lorsque la société familiale représente l’actif patrimonial le plus important du dirigeant, il est judicieux de moduler le nombre de titres donnés, afin que celui-ci se constitue un capital-retraite par la vente du surplus de ses titres.
Les seuils de détention de titres à soumettre à l’engagement collectif de conservation laissent une grande liberté d’arbitrage au donateur entre le nombre de titres donnés ou vendus26.
La vente par le dirigeant intervient soit au profit de ses enfants repreneurs, soit au profit de la société holding de reprise. La cession à la société holding de titres de la société d’exploitation ne remet pas en cause le bénéfice de l’exonération partielle. Elle respecte la condition de maintien du régime de faveur relative à la détention du capital de la société holding.
La vente des titres est soumise aux droits de mutation au taux de 0,1% lorsqu’elle porte sur des actions, et au taux de 3% avec l’abattement d'assiette lorsqu’elle porte sur des parts sociales.

28
La plus-value réalisée par le dirigeant est taxée dans les conditions ordinaires, après application d’un abattement pour durée de détention27. Cet abattement est majoré au taux « incitatif » dans le cadre du départ à la retraite du dirigeant28.
Dans cette hypothèse, le dirigeant cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, de droits de vote ou de droits dans les bénéfices de la société d’exploitation. Il ne lui est donc pas loisible de souscrire au capital de la société holding de reprise29.

 
Illustration chiffrée d’un FBO familial :
Jacques, âgé de 65 ans, a créé la SARL « BONAVENTURE » en 1990. Il en est gérant depuis l’origine. Cette société, créée avec un capital social de 50.000 € est aujourd’hui valorisée à 5.000.000 € et dégage un résultat annuel net de 300.000 €. Jacques est propriétaire de 95 % des parts sociales. Son épouse, âgée de 60 ans, en possède 5 %. Ils se sont mariés en 1980 sous le régime de la séparation de biens. Ils ont deux fils, Rodrigue et John. Rodrigue travaille dans l’entreprise familiale depuis 5 ans et John exerce une profession sans rapport avec l’activité de la société. Jacques souhaite transmettre l’entreprise à son fils Rodrigue, sans léser John. Il souhaite également conserver une activité au sein de la société, afin de passer le relai en douceur et se préserver une source de revenus. Il entend enfin percevoir un capital de 1.000.000 € à l’issue de la transmission afin d’assurer sa retraite.
Première étape : la préparation de la transmission.
Les parts sociales sont communautarisées, afin d’optimiser le coût fiscal de la donation-partage en doublant les abattements. La SARL est ensuite transformée en SAS à directoire et conseil de surveillance. Jacques est nommé président du conseil de surveillance, ce qui lui permet de conserver un regard sur la gouvernance de la société et un revenu. Par ailleurs, cette transformation permet de minorer les droits d’enregistrement au taux de 0,1 % au lieu de 3% lors de la vente des titres qui n’ont pas été donnés.
Deuxième étape : la donation-partage
acques et son épouse n'ont effectué aucune donation au profit de leurs enfants au cours des 15 dernières années. Ils procèdent à une donation-partage de 80 % des titres en pleine propriété au profit de Rodrigue, à charge pour lui de verser une soulte à John. Rodrigue reçoit les actions pour une valeur de 4.000.000 €, à charge pour lui de verser une soulte à John de 2.000.000 €, stipulée payable à terme en une seule fois et sans intérêts dans un délai de six mois.
Fiscalement, l’engagement collectif de conservation est réputé acquis.
Les titres sont ainsi transmis avec le bénéfice de l’exonération partielle de 75%. Les droits de donation sont calculés en fonction des droits théoriques de chaque enfant dans la masse et ils sont réduits de 50 %, la donation étant consentie en pleine propriété et les donateurs ayant moins de 70 ans.
Le montant des droits de donation s’élève ainsi à 56.388 €.
Valeur donnée par parent à chaque enfant 1.000.000 €
Exonération de l’article 787 B 750.000 €
Reste taxable 250.000 €
Abattement légal 100.000 €
Reste taxable 150.000 €
Droits dus (TMI 20%) 28.194 €
Droits dus après la réduction de 50% 14.097 €
Total des droits dus pour les deux enfants 56.388 €

Dans l’acte de donation, seul Rodrigue prend un l'engagement individuel de conservation des actions données.
Troisième étape : l’apport des titres reçus par Rodrigue à une société holding
Rodrigue crée ensuite un holding de reprise sous la forme sociale d’une SAS à laquelle il apporte l’intégralité des titres reçus pour une valeur de 4.000.000 €, à charge pour la SAS de régler la soulte de 2.000.000 €.
En contrepartie de son apport, Rodrigue reçoit 100% des titres de la SAS pour une valeur de 2.000.000 €.
Fiscalement, aucune plus-value d’apport n’est constatée, les titres étant apportés à la valeur déclarée dans la donation.
En revanche, cet apport mixte engendre des droits d’enregistrement de 2.000.000 x 0,1 % = 2.000 €.
La SAS emprunte 2.000.000 € afin de désintéresser John. Cet emprunt est contracté sur une durée de 10 ans à un taux de 1 %, ce qui engendre une charge de remboursement annuelle de 210.250 €, hors assurance. Cette somme est remboursée grâce aux dividendes distribués par société d'exploitation au holding, s’élevant à 240.000 € (300.000 x 80 %). Après déduction de l’emprunt, le résultat fiscal de la société holding, augmenté de la quote-part de frais et charges de 12.000 €), est modique.
Quatrième étape : la vente par Jacques à Rodrigue
Deux ans après la transmission, Jacques se retire totalement de la société familiale et vend le reliquat de ses titres à la SAS de reprise constituée par Rodrigue, pour un montant de 1.000.000 €, la société n’ayant pas augmentée de valeur. Cette cession engendre des droits d’enregistrement de 1.000 € (1.000.000 x 0,1 %).
Jacques bénéficie de l'abattement spécifique aux dirigeants de PME partant en retraite. L'impôt de plus-value bénéficie de l’abattement incitatif et de la franchise pour départ à la retraite. Les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % sur le montant de la plus-value réalisée sont exigibles. La plus-value réalisée est de 1.000.000 – (50.000 x 20 %) = 990.000. Les prélèvements sociaux s’élèvent à 990.000 x 15,5% =170.280 €. L’impôt est dû sur une base de : 990.000 x 15% = 148.500 €.
En considérant un taux marginal d’impôt sur le revenu à 30 %, l’impôt sur la plus-value s’établit à 148.500 x 30 % = 44.550 €.
Au final, ce montage de LBO familial engendre un coût fiscal de 274.218 € (56.388 + 2000 + 1.000 + 170.280 + 44.550), ce qui représente 5,48 % de la valeur de la société familiale transmise (l’impact fiscal le plus important étant celui des PS et de la PV sur la cession).









1 C. civ., art. 1078.
2 C. civ., art. 828 et 1075-4.
3 La garantie usuelle est un nantissement des titres donnés.
4Rép. Vachet : AN 28-3-2006 p. 3343 n° 81926 ; BOI-ENR-DG-50-20-50 n° 250.
5 La société holding est « pure » si elle a pour objet exclusif la gestion d’un portefeuille de titres de participations. Elle est « impure » ou « mixte », lorsqu’elle exerce une activité propre, en plus de la gestion de ses participations
6 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. - Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
7Sociétés de capital-risque, business angels, etc.
8 En ce sens, P. Leclere, Les spécificités de la société holding dans le cadre d'un family buy out : Actes prat. strat. patrimoniale 2012/2, n° 16.
9 J.-J. Lubin, Dispositif Dutreil transmission : l’heure de la réforme par le PLF 2019 : JCP N 2018, 793.
10F. Fruleux, JCP N 2018, n° 51-52. - J.-Fr. Desbuquois, Aménagement du régime du « pacte Dutreil » (CGI, art. 787, B) : Droit fiscal 2019, n° 1, comm. 46, n° 27.
11 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 120.
12 Correspondant à la valeur des titres apportés, sous déduction du montant de la soulte prise en charge par la société holding.
13 Si l'apport est réalisé au profit d’une société préexistante, à l'occasion d'une augmentation de capital, un droit fixe de 375 € ou 500 € est perçu suivant que le capital social du holding à l'issue de l'apport excède ou non 225 000 €.
14CGI, art. 150-0 B ter. La détention minoritaire par le donateur suffit à caractériser le contrôle exigé par ce texte.
15 Le dispositif de l'article 151 octies du CGI permet un report d'imposition des plus-values à court et long terme sur éléments non amortissables jusqu'à la cession ultérieure des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport.
16 Voir mémento Francis Lefebvre Transmission d’entreprises 2013 n° 94330.
17CGI, art. 787 B f. - Ces conditions ont été assouplies par la loi de finances pour 2019. Par ailleurs, l’article 787 B, f, qui a été intégralement réécrit, permet, depuis le 1er janvier 2019, la réalisation de l’apport soit au cours de l’engagement collectif, soit au cours de l’engagement individuel, et non plus seulement pendant la seule période de l’engagement individuel comme auparavant.
18 CGI, ann. III, art. 404 GD
19 CGI, art. 145.
20 cf. L. fin. 2011, art. 10.
21 CGI, art. 223 A.
22 L'article 787 B, f du CGI impose que la société holding soit contrôlée par le donataire
23 CGI, art. 223 B, al. 7.
24 CGI, art. 787 B, f, 2°.
25 Pour plus de dev., voir Mémento Francis Lefebvre, Fiscal 2013 n° 63600 et s. ; H. Pichard, la transmission de l’entreprise familiale, ed. LexisNexis, p. 76 et s. La prudence sera encore plus importante après la loi de finances pour 2014 modifiant la définition de l’abus de droit.
26 Depuis la loi de finances pour 2019, les seuils de détention minimum exigés sont de 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour les sociétés cotées, et de 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les sociétés non cotées.
27 CGI art. 150-0 D, 1.
28 CGI art. 150-0 D ter.
29 Sous réserve d’une tolérance administrative si sa participation ne dépasse pas 1 %.
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